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BURUNDI : Mettre fin au recours systématique de la torture par les services de renseignement
RAPPORT ALTERNATIF SOUMIS EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENTS CRUELS, INHUMAINS OU DEGRADANTS.
Coordonné par :
SOS-Torture Burundi
Avec le soutien de :
OMCT, FIACAT, IRCT
78e session du Comité contre la torture – Examen du rapport de la République du Burundi
RÉSUMÉ EXÉCUTIF
Le climat politique dans le pays reste délétère et la situation des droits humains particulièrement volatile en l’absence de volonté réelle de changement de la part des autorités gouvernementales. Entre 2015 et 2023 le recours à la torture est devenu systématique au Burundi. Des institutions étatiques tels que le SNR sont utilisés pour réprimer par la torture et d’autres formes de mauvais traitements tout acteur dissident.
Les organisations de défense des droits humains ont documenté de nombreux cas cas de meurtres, disparitions forcées, actes de torture et mauvais traitements, arrestations et détention arbitraires, ainsi que des violences sexuelles et sexistes commis dans une impunité absolue par des agents de l’Etat ou des organisations agissant sous le contrôle ou la tolérance des autorités étatiques comme la jeunesse affiliée au parti au pouvoir, les Imbonerakure.
Des cadavres non-identifiés, souvent mutilés ou ligotés, sont découverts à intervalles réguliers dans différentes provinces, souvent enterrés par les autorités locales, des membres des Imbonerakure ou des policiers, sans enquête préalable sur l’identité de la victime et les
auteurs du meurtre.
La ligue ITEKA a recensé de la période d’avril 2015 à avril 20231 :
– 13 072 personnes arrêtées arbitrairement
– 4 040 personnes tuées
– 1 381 cadavres trouvés
– 1 225 victimes de torture
– 697 personnes enlevées
– 611 victimes de violences sexuelles
Depuis 2015, une forte répression de toute voix discordante dans une totale impunité a été observée. Après le départ en exil des leaders de la société civile et des médias, le SNR a pourchassé toute personne, soupçonnée d’être un défenseur des droits de l’homme ou
susceptible de relayer des informations aux associations et médias burundais en exil.
C’est dans ce cadre que Germain Rukuki, Nestor Nibitanga, l’avocat Germain Tony NKINA et quatre journalistes du groupe Iwacu ont été arrêtés puis libérés plus tard grâce à la pression de la communauté internationale.
C’est également dans ce contexte de trouble politique de 2015 qu’une affaire criminelle a été initiée contre 34 personnes comprenant 12 défenseurs des droits de l’homme qui seront
condamnés à la peine d’emprisonnement à perpétuité pour leur participation ou l’organisation présumée des manifestations de 2015 que les autorités burundaises qualifient
de mouvement insurrectionnel.
Des menaces ont été proférées par le président de la République contre les syndicalistes enseignants en janvier 2021 suite à un préavis de grève : il accusait « les enseignants ”de vouloir mettre le pays à feu et à sang” et menaçait de les révoquer ».
Ces chiffres sont en deçà de la réalité car certaines familles des victimes préfèrent ne pas dénoncer les violations de peur de subir des représailles.
La violence contre les femmes au Burundi, déjà alarmante, s’est aggravée depuis le début de la crise en avril 2015. Les conclusions d’un rapport récent produit par Light For All confirment un rapport antérieur de la Commission d’enquête des Nations Unies sur le Burundi sur la gravité des violences sexuelles et basées sur le genre au Burundi. La plupart des femmes interrogées ont été victimes de viols, de viols collectifs, de tortures sexuelles, de nudité forcée
et, pour certaines, de grossesses forcées. De même, les hommes de tous âges ont été torturés sexuellement, forcés à la nudité, émasculés, et castrés par l’injection de substances chimiques
dans les organes génitaux.
Alors que plusieurs milliers de Burundais restent en exil dans les pays voisins du Burundi et ailleurs, les conditions de vie socio-économique se sont dégradée et le régime en place ne
cesse pas de prendre des mesures de paupérisation de la population (interdiction de la circulation des taxis-motos, confiscation des biens appartenant aux opposants ou aux citoyens
présumés comme tels, etc.).
La protection des Burundais contre l’usage illégitime de la force est extrêmement faible, partiale et sélective, engendrant une inégalité grandissante des citoyens devant la loi. Les pratiques discriminatoires fondées sur l’appartenance politique et ethnique se généralisent et sont encouragées par des discours et messages de haine émanant des plus hautes autorités du pays, et relayés par les autorités locales et membres de la milice Imbonerakure. Dans ce
cadre, la Commission internationale d’enquête sur le Burundi a confirmé que « des propos ayant une dimension ethnique, qui pour certains contenaient une dimension haineuse, ont pu
être entendus dans diverses circonstances, notamment lors de la commission d’exactions ou encore lors de présentations de l’histoire du Burundi revisitée par certains membres du Gouvernement et du CNDD-FDD. De tels discours laissent voir une volonté d’instrumentaliser le sentiment d’appartenance ethnique à des fins politiques, et notamment garantir le soutien de la communauté hutue au CNDD-FDD et lui permettre de se maintenir au pouvoir. ».
Enfin, la justice burundaise demeure un pilier de la répression contre l’opposition politique et les leaders d’organisations humanitaires et de la société civile. En effet, alors que la législation en vigueur dans le pays consacre le principe de neutralité, d’impartialité et d’indépendance des magistrats, la réalité est toute autre. Plusieurs rapports d’experts convergent sur le fait que la justice burundaise est inefficace, partiale et non indépendance.
Le présent rapport, co-rédigé par les organisations de la société civile burundaise, démontre à quel point la pratique de la torture reste systématique et préoccupante au Burundi. Ces dernières remercient les ONG internationales qui leur ont apporté le soutien technique et financier indispensable à la réalisation de ce rapport.
Rapport alternatif CAT Burundi (3) (1)