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23 Août

La Milice Imbonerakure, Jeunes Du Parti Au Pouvoir CNDD-FDD, Commettent Encore Des Exactions

Dans ce rapport de SOS-Torture/Burundi du 30 juillet au 6 août 2016, nous évoquons d’abord la demande de radiation du Barreau de Bujumbura à l’encontre de quatre avocats par le procureur général près la Cour d’appel de Bujumbura. SOS Torture/ Burundi qualifie cette demande comme une tentative de sabotage du travail des défenseurs qui ont saisi les différents mécanismes régionaux, internationaux et onusiens sans oublier la Cour Pénale Internationale (CPI) sur les violations graves des droits de l’homme au Burundi.

Nous revenons aussi sur les arrestations arbitraires qui ont continué dans certaines localités. Le cas du journaliste Jean Bigirimana du groupe de presse Iwacu est aussi évoqué, avec les chances de plus en plus maigres de le retrouver vivant plus de deux semaines après son enlèvement par des individus identifiés comme des agents du service national des renseignements (SNR). En plus de cette disparition forcée, un autre journaliste Burundais a été agressé aux couteaux à Kampala en Ouganda où il s’est exilé.

La milice Imbonerakure, jeunes du parti au pouvoir CNDD-FDD, commettent encore des exactions notamment la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ils mènent aussi des opérations d’arrestations illégales.

Le rapport revient enfin sur la libération de cinq élèves détenus durant deux mois pour gribouillage de la photo du Président Pierre Nkurunziza dans les manuels scolaires.

  1. 1SOS-Torture Burundi dénonce un acharnement du pouvoir contre   des   avocats Burundais

En date du 29 juillet 2016, le Procureur général près la Cour d’Appel de Bujumbura a adressé une lettre au Bâtonnier de l’ordre des Avocats près de la Cour d’Appel de Bujumbura pour lui demander la radiation de quatre avocats et Défenseurs des Droits Humains. Il s’agit de :

  • Maître Armel NIYONGERE (Président de l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-Burundi),  Initiateur et Coordinateur  de la présente SOS-Torture/ Burundi) et fait partie de l’équipe d’avocats qui représente les 60 familles des victimes d’exécutions extrajudiciaires qui ont  récemment saisi la Cour Pénale Internationale.
  • Maître Vital NSHIMIRIMANA (Délégué général du Forum pour le renforcement de la société civile FORSC et président de la Campagne Halte au 3ème mandat)
  • Maître Dieudonné BASHIRAHISHIZE (Vice-président de l’East Africa Law Society, et Président de collectif des avocats des victimes de crimes de droits international (CAVIB).
  • Maître Lambert NIGARURA (président de la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale et coordinateur-adjoint de SOS-Torture Burundi)

En plus de leurs activités au sein de leurs organisations respectives, les quatre défenseurs sont victimes des poursuites qu’ils ont engagées contre l’Etat du Burundi devant des juridictions régionales et internationales (Cour de Justice de la Communauté de l’Afrique de l’Est, Cour Pénale Internationale et  commission africaine des Droit de l’Homme et des peuples). Ils participent également à l’élaboration de rapports alternatifs présentés auprès des mécanismes africains et Onusiens sur les violations des droits de l’homme. Le cas le plus emblématique et qui serait sans doute l’origine de cet acharnement est  la récente session du Comité  des Nations unies contre la Torture qui s’est tenue  les 28 et 29 juillet 2016  en session  spéciale pour analyser la situation au Burundi. Cette session historique a été marquée par l’incapacité du gouvernement Burundais à répondre aux questions des experts relatives aux violations graves des droits de l’homme.

Cette démarche du pouvoir de Bujumbura est une tentative de sabotage du travail de ces avocats et  défenseurs des droits humains en voulant leur priver  la qualité d’avocat suite aux saisines devant les juridictions internationales.

  1. Arrestations arbitraires, enlèvements et disparitions forcées se poursuivent
  • Le journaliste Jean Bigirimana du Groupe de presse Iwacu n’a toujours pas été retrouvé plus de deux semaines après son enlèvement. Le journaliste a été arrêté par des agents du service national des renseignements à Bugarama le 22 juillet 2016 et emmené à Muramvya (centre du pays) selon plusieurs témoins cités par le journal Iwacu (cfr rapport SOS-Torture Burundi N°33) mais le Service National de Renseignement (SNR) et la police nient avoir arrêté M.Bigirimana.La Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) a été saisie par le journal Iwacu mais a annoncé n’avoir pas retrouvé le journaliste.

La famille et les collègues de Jean Bigirimana sont très inquiets et craignent que le pire ne soit survenu, à savoir qu’il aurait été exécuté.

Le journaliste Jean Bigirimana, disparu depuis le 22 juillet 2016

  1. Séverin Ntirugayimvo, représentant du parti Frodebu arrêté le 29 juillet 2016
  • Un homme du nom de Séverin Ntirugayimvo a été arrêté en date du 29 juillet 2016 dans la commune Nyabikere, province Karuzi (nord-est du pays). Cet homme est aussi le représentant provincial du parti d’opposition FRODEBU. Ses proches s’inquiètent et évoquent des mobiles politiques car aucune charge n’a été portée contre cet opposant politique.
  • Des agents du service national des renseignements ont arrêté trois personnes en date du 30 juillet 2016 dans la zone Buyenzi (centre de Bujumbura-Mairie). Elles ont toutes été appréhendées à la 25ème avenue sans qu’aucune raison ne soit donnée à leur arrestation. Les proches n’ont pas été informés de leur lieu de détention et s’inquiètent pour leur sécurité. Parmi les personnes arrêtées figure un homme du nom de Dieudonné Ndayisenga.
  • Un homme du nom de Sadik Nahimana a été arrêté par des agents de la police en date du 30 juillet 2016 à Rumonge (sud du pays) au quartier Swahili où il habite. Cet homme est un chauffeur de bus et travaille dans cette région du sud du pays. Des témoins indiquent que la police a d’abord fouillé son domicile mais n’a rien trouvé de suspect, avant d’embarquer M.Nahimana pour le cachot de la police de Rumonge. La famille a appris que Sadik Nahimana est accusé d’avoir transporté à trois reprises des combattants vers le sud du pays mais s’inquiète pour sa sécurité car aucune preuve de culpabilité n’a été fournie.
  • La police a repris ses opérations de rafles dans la zone Musaga (sud de Bujumbura-Mairie) en date du 1er août 2016. Les forces de l’ordre invoquent officiellement être à la recherche de combattants armés qui se cacheraient dans les ménages. Une centaine de jeunes ont été arrêtés et rassemblés durant des heures avant d’être relâchés. Les habitants de Musaga évoquent des harcèlements incessants de la police sans raison valable. Au cours de ces opérations, aucun supposé combattant n’a jamais été arrêté et aucune arme n’a été saisie.
  • Un homme du nom de Jean Bosco Kiyange a été arrêté le 2 août 2016 par des jeunes Imbonerakure affiliés au parti au pouvoir CNDD-FDD dans la commune Kayogoro, province Makamba (sud du pays). L’arrestation a eu lieu après une fouille-perquisition illégale menée par ces jeunes dans son hôtel de Kayogoro. D’après la police, M.Kiyange est actuellement entre les mains du service national des renseignements mais aucune accusation n’a été portée contre lui. Des témoins indiquent qu’il serait victime de son origine, la commune Mukike, une zone jugée par le pouvoir comme contestataire du 3ème mandat du Président Burundais. Cet homme a été relâché le 5 août 2016 mais les proches dénoncent des abus des jeunes du parti CNDD-FDD.
  1. Ndikumana, enseignant arrêté à Gihanga
  • La police a aussi arrêté un homme nommé Jean Baptiste Ndikumana en date du 2 août 2016 dans la commune Gihanga, province Bubanza (quelques kilomètres à l’ouest de Bujumbura). Cet homme est un enseignant qui est accusé par la police de collaborer avec des combattants armés. Des proches rapportent que M.Ndikumana a été piégé par un autre individu pour un motif non encore élucidés. Des agents du service national des renseignements venus de Bujumbura sont arrivés à Gihanga pour récupérer M.Ndikumana qui avait passé la nuit à la brigade de la police. La famille et les proches s’inquiètent pour sa sécurité.
  1. Assassinats, exécutions sommaires et attaques armées répertoriés
  • Une attaque armée a eu lieu dans la soirée du 31 juillet 2016 à la 3ème transversale, commune Gihanga, province Bubanza (quelques kilomètres au nord-ouest de Bujumbura). Des témoins rapportent que deux personnes ont été blessées lors de l’attaque qui visait un camion de transport de marchandises.
  • Le corps d’une femme du nom de Libérate Mpfagutunga a été retrouvé en date du 1er août 2016 dans la zone Rukeco, commune Busiga, province Ngozi (nord du pays). Des proches pensent qu’elle a été assassinée à cause de son appartenance politique au MSD, un parti d’opposition dont les militants sont régulièrement persécutés.
  • Sept personnes ont été blessées au cours d’une attaque à la grenade dans un bistrot de la zone Ruziba, province Bujumbura. Des inconnus ont lancé deux grenades et parmi les victimes blessées figure un militaire.
  • Un corps en décomposition avancée a été retrouvé sur la rivière Mubarazi sur la colline Nyabisiga, commune Muramvya (centre du pays) en date du 5 août 2016. Des témoins cités par la radio Radio Publique Africaine dans son programme Humura indiquent que ce corps avait été vu une première fois, ligoté et rattaché à des pierres, le 28 juillet 2016 au lendemain de coups de feu entendus. La victime n’a pas pu être identifiée mais cet assassinat sauvage suscite la peur des habitants.

journaliste Boaz Ntaconayigize agressé aux couteaux (photo de droite)

  1. Un journaliste en exil agressé

Le journaliste Boaz Ntaconayigize de la radio Bonesha Fm a été agressé par des individus à Kampala en Ouganda où il est en exil suite aux persécutions dont sont victimes les journalistes depuis le début de la crise. Le journaliste a été blessé à coups de couteaux et de gourdins et a affirmé avoir reconnu deux Burundais parmi ses agresseurs. C’est la première fois qu’un journaliste Burundais est attaqué en exil depuis que plusieurs dizaines d’entre eux ont dû fuir après les attaques des radios pour lesquelles ils travaillaient.

  1. Un second détenu décède à Muyinga SOS-Torture Burundi avait rapporté dans son précédent rapport (Cfr rapport N°33) le cas d’un jeune détenu, Elias Nishemezwe, de la prison de Muyinga qui est décédé à l’hôpital de Muyinga (nord du pays) en date du 25 juillet 2016 car ayant été évacué à l’hôpital tardivement, vu que la direction de la prison avait refusé de lui accorder une sortie pour recevoir des soins appropriés.

En date du 30 juillet 2016, un second détenu du nom de Gervais Sinabakize est décédé suite à une autre négligence de la direction de la prison de Muyinga. Informée de l’état de santé du détenu qui réclamait l’autorisation d’aller se faire soigner dans un hôpital, la direction a refusé de donner son accord. Le détenu a été emmené à l’hôpital alors que son état de santé s’était aggravé et n’a pas survécu.

  1. Des élèves détenus pour gribouillage relâchés

Cinq élèves du lycée de Muramvya (centre du pays) qui avaient été arrêtés pour gribouillage de la photo du Président Burundais dans les manuels scolaires ont été relâchés en date du 3 août 2016. Toutefois, deux autres élèves restent en détention : Parfait Iradukunda et Alexis Mugerowimana. Ces élèves avaient été arrêtés le 3 juin 2016 et inculpés pour « outrage au Chef de l’Etat » (cfr rapports SOS-Torture Burundi N° 26-27), et sont donc libres après deux mois de détention à la prison. Ils n’ont toutefois pas pu terminer l’année scolaire comme leurs camarades, ce qui est une violation de leur droit à l’éducation.

En date du 22 juillet 2016, six autres lycéens de Rumonge (sud du pays), détenus pour les mêmes raisons, ont été relâchés (cfr rapport SOS-Torture Burundi N°32).

Actuellement, en plus de ces deux élèves de Muramvya, il reste encore quatre élèves de Cankuzo détenus dans la province voisine de Ruyigi (Est du pays) pour cette affaire de gribouillage de la photo du Président Pierre Nkurunziza.