News


23 Août

SOS-Torture Burundi Condamne Cette Violation De La Loi

Dans ce rapport de SOS-Torture du 23 au 30 juillet 2016, nous commençons par un mot liminaire relatif à l’incident diplomatique, causé par la délégation du gouvernement du Burundi le dernier jour de l’examen du Burundi devant le comité des Nations Unies contre la torture ce vendredi 29/7/2016, nous évoquons ensuite, les arrestations arbitraires qui ont continué d’intensité dans la ville de Bujumbura notamment la zone Musaga qualifiée de zone contestataire du 3ème mandat du Président de la république Pierre Nkurunziza.

Deux rafles ont été menées avec l’arrestation d’une centaine de personnes à chaque opération. Le motif avancé par la police est la recherche de combattants armés, mais les habitants évoquent un harcèlement et des intimidations par les agents de la police. Après un soi-disant contrôle d’identité, les personnes ont été relâchées à l’exception d’une trentaine de personnes retenues vendredi.

Au moins soixante-quinze (75) personnes ont été arrêtées tantôt par la police, tantôt par des agents du service national des renseignements dans différentes localités. Parmi elles, des disparitions forcées dont un journaliste du groupe de presse Iwacu nommé Jean Bigirimana. Il est introuvable depuis son arrestation le 22 juillet 2016 par des agents du service national des renseignements.

Le rapport revient aussi sur un cas de violation flagrante de la loi notamment la Convention contre la Torture. Il s’agit d’un officier de police du nom de Jean Bosco Cishahayo surnommé ‘Kabanda’ qui a bénéficié d’une mesure de grâce présidentielle et a été libéré au mois de mars 2016 alors que ce tortionnaire récidiviste avait été condamné à cinq (5) années de servitude pénale depuis mai 2014 pour avoir torturé un habitant de Ruyigi.

Le dernier point est consacré à la mort d’un jeune détenu de Muyinga à qui les autorités de la prison ont refusé le droit de se faire soigner par une structure habilitée.

  1. La Campagne SOS-Torture Burundi condamne l’attitude du Gouvernement lors de l’analyse du Burundi par le Comité contre la Torture (CAT)

La délégation du Gouvernement Burundais qui se trouvait à Genève pour une session spéciale d’analyse du Burundi par le Comité des Nations Unies contre la Torture (28-29 juillet 2016) a tourné le dos au Comité en refusant de répondre aux questions des experts.

Le Gouvernement avait pourtant adressé son rapport au Comité, bien que tardivement au vu des délais accordés, et les experts du comité contre la torture (CAT) ainsi que les organisations de la société civile (qui avaient également élaborés leur rapport alternatif) s’attendaient à des réponses précises.

La Campagne SOS-Torture Burundi qui avait été représenté à cette session s’étonne de l’attitude des autorités burundaises de refuser catégoriquement de venir donner les réponses aux questions des experts du comité en réclamant plus de temps pour analyser les allégations des organisations de la société civile alors que la session était connue des concernés depuis le mois de mars.

Nous estimons qu’il s’agit d’une fuite des responsabilités, surtout que les experts du CAT, très informés de la situation au Burundi, avaient posé des questions très pertinentes et documentées à la Ministre de la Justice, chef de la délégation du gouvernement Burundais.

  1. Arrestations arbitraires, enlèvements et disparitions forcées se poursuivent
  • La police a repris ses rafles devenues hebdomadaires dans la zone Musaga (sud de Bujumbura) en date du 25 juillet 2016. L’opération était menée conjointement avec des militaires dans le quartier Kinanira I. Tous les jeunes hommes étaient systématiquement exigés de se présenter aux membres des forces de sécurité. Des témoins indiquent qu’une centaine de jeunes ont été arrêtés et emmenés devant les bureaux de la zone Musaga pour identification. Cette opération d’identification se fait sur base des cartes d’identités et des cahiers des ménages, un document exigé depuis le début de la crise et qui n’est régi par aucun texte de loi au Burundi. Officiellement, les policiers et militaires affirment être à la recherche de combattants dissimulés dans la zone Musaga, mais les habitants dénoncent un harcèlement et des intimidations incessantes pour le seul fait que la zone a manifesté en 2015 contre le 3ème mandat du Président Burundais Pierre Nkurunziza.

Le journaliste Jean Bigirimana, disparu depuis le 22 juillet 2016

  • En date du 22 juillet 2016, un journaliste du nom de Jean Bigirimana a été arrêté par des hommes en civils sur la Route Nationale N°1 (RN 1) au niveau de Bugarama (34 kilomètres au nord de Bujumbura). Le journaliste travaille pour le groupe de presse Iwacu. Les proches ainsi que les responsables d’Iwacu ignorent cependant son lieu de détention et s’inquiètent pour sa sécurité. Le Rédacteur en chef du journal a témoigné avoir mené des vérifications au sein de la police, du service national des renseignements et des prisons du Burundi sans succès.
  • Il s’agit d’une disparition forcée qui inquiète aussi les défenseurs des droits de l’homme ainsi que les organisations des professionnels des médias. Le groupe de presse Iwacu a mené son enquête et certifie que le journaliste Jean Bigirimana a été arrêté par des agents du service national des renseignements qui l’ont embarqué dans une camionnette à destination de Muramvya. Le journaliste est tombé dans un guet-apens d’une de ses connaissances. Jusque-là, la police ainsi que le service des renseignements nient avoir menés l’arrestation de Jean Bigirimana.

L’enquête complète de Iwacu publiée le 29 juillet :http://www.iwacu-burundi.org/flou-autour-dune-arrestation/

  • Un jeune homme prénommé Gaspard a tenté de s’extirper d’un cachot du service national des renseignements à Muramvya (centre du pays) en date du 26 juillet 2016. Des témoins indiquent que le jeune homme en question portait encore des menottes et essayait de fuir les tortures qu’il venait d’endurer toute la nuit.. Les témoins ont été alertés par les coups de feu tirés pour l’empêcher de poursuivre sa fuite. Des agents du SNR ont pu rattraper le jeune homme, qui a été blessé par les tirs, et l’ont tabassé étant toujours menotté avant que le responsable de la police de la province Muramvya n’intervienne et décide de l’incarcérer dans un cachot connu de la police plutôt que le remettre aux agents du SNR.

Ces agents sont souvent dénoncés par des victimes de tortures et autres traitements inhumains. Des sévices qu’ils font subir loin des regards et dans des lieux de détention non reconnus par la loi, tels que le cas de ce jeune homme torturé dans un local situé dans le même enclos que la maison occupée par le chef du SNR à Muramvya.

  • Quatre personnes ont été arrêtées par des agents du service national des renseignements dans la province Ngozi (nord du pays) en date du 26 juillet 2016. Il s’agit de Joseph Hitimana, Protais Ndagijimana, Mathias Mbarushimana et Eliachim originaires du Rwanda et qui travaillaient tous pour un restaurant local. Des proches s’inquiètent de ces arrestations, surtout en cette période de crise où les autorités burundaises s’attaquent régulièrement au Rwanda, l’accusant de vouloir déstabiliser le Burundi.
  • Six personnes ont été arrêtées par la police dans la zone Kiryama, commune Songa, province Bururi (sud du pays) en date du 27 juillet 2016. La police a tiré à plusieurs reprises avant de mener les interpellations et en passant à tabac les personnes arrêtées. Des témoins indiquent que le chef de poste de la police était présent lors des arrestations mais que le lieu de détention n’a pas été communiqué aux familles et proches qui s’inquiètent pour la sécurité des victimes.
  • La police a aussi arrêté cinquante personnes dans la soirée du 27 juillet 2016 dans la province Rumonge (sud du pays). Les autorités de la police ont déclaré que ces personnes se trouvaient dans trois bus de transport et sont des combattants qui se préparaient à mener des attaques. Elles ont aussi annoncé la saisie d’armes et effets militaires en leur possession. Toutefois, la police s’est refusé à donner l’identité des personnes arrêtées. Elle n’a également rien déclaré sur leur lieu et les conditions de détention de ces personnes.
  • La police a arrêté deux autres personnes dans le secteur Ndonzi, colline Maramvya, commune Burambi, province Bururi (sud du pays) en date du 27 juillet 2016. Il s’agit d’Innocent Irambona et Vital Sibomana, deux jeunes hommes arrêtés à leurs domiciles. Des témoins rapportent que les policiers étaient accompagnés par des responsables administratifs à la base ainsi que des jeunes Imbonerakure affiliés au parti CNDD-FDD. Les agents de police affirmaient être à la recherche des auteurs des tirs entendus la veille, mais les fouilles menées dans les ménages n’ont rien donné. Les familles s’inquiètent pour la sécurité de ces deux jeunes hommes.

Pour la seconde fois dans la semaine, la police a mené une autre rafle dans la zone Musaga (sud de Bujumbura) en date du 29 juillet 2016. Une centaine de personnes ont été rassemblées et la police a exigé leurs cartes d’identité ainsi que les cahiers des ménages. Beaucoup ont été relâchés mais une trentaine de personnes, essentiellement des domestiques, ont été emmenés aux bureaux de la zone Musaga.

  1. Nahisubije, arrêté par le SNR dans un cimetière
  • Un homme du nom de Michel Nahisubije a été arrêté en date du 29 juillet 2016 à Taba dans la province Bururi par des agents du service national des renseignements. Cet homme est aussi responsable local du parti Uprona (l’aile de l’opposition qui n’est pas reconnue par le gouvernement) ainsi que conseiller technique de l’administrateur communal de Bururi. Ses proches s’inquiètent de cette arrestation menée dans un cimetière où M.Nahisubije supervisait les travaux de préparation de la tombe de son grand-père.
  • Dix autres personnes ont été arrêtées à Rumonge au domicile d’un ancien député du nom de Saleh Mpawenimana en date du 29 juillet 2016. La police a d’abord mené une fouille avant d’embarquer ces personnes au cachot de la police de Rumonge. Toutes les personnes arrêtées sont des proches de l’ancien député qui lui-même a pris la fuite craignant pour sa sécurité.

3.Assassinats, exécutions sommaires et attaques armées répertoriés

  • La famille d’un certain Joseph Bazirakumbona de la zone Muramba, commune Bubanza, province Bubanza a été attaquée en date du 22 juillet 2016 à son domicile. Selon des témoins (rapportés par la radio RPA), les auteurs de l’attaque sont des jeunes Imbonerakure affiliés au parti au pouvoir CNDD-FDD de la localité. Ils ont saccagé les biens de la famille et brûlés les restes avant d’embarquer l’épouse de M. Bazirakumbona. Le chef de famille a dû fuir, craignant pour sa sécurité ; de même que leurs enfants. La police n’a mené aucune enquête pour arrêter les auteurs de l’attaque. Les autorités administratives locales, tout comme la police, sont aussi complices de ces actes de violence.
  • Un jeune homme prénommé Déo a été blessé au cours d’une attaque armée dans le secteur Ndonzi, colline Maramvya, commune Burambi, province Bururi (sud du pays) dans la soirée du 24 juillet 2016. Les auteurs de l’attaque ne sont pas connus mais des témoins parlent d’actions de représailles en réaction aux actes d’insécurité imputés à la victime qui serait un militant du parti au pouvoir CNDD-FDD.
  • Deux hommes ont été abattus le 27 juillet 2016 dans la zone Bwiza (centre de Bujumbura). Les victimes sont un chauffeur de taxi nommé Jean Paul Niyonzima et un client qu’il conduisait prenommé Gasongo. Ils ont été tués sur la 7ème avenue devant un hôtel (le Gloria) par un groupe armé.
  • Trois personnes ont été abattues dans la soirée du 28 juillet 2016 sur la colline Nyakirwa, commune Gisozi, province Mwaro (centre du pays). L’attaque a eu lieu dans un bistrot de la localité où les victimes prenaient un verre. Les auteurs de l’attaque ne sont pas connus mais ont dérobé ceux qui étaient là de tous qu’ ils avaient dans leurs poches avant d’en abattre deux. Des témoins indiquent que la troisième personne abattue se nomme Prosper Arakaza ‘Janvier’. Les militaires qui sont intervenus annoncent que cette dernière personne faisait partie du groupe qui venait de dérober et d’abattre des clients du bistrot. L’attaque a aussi fait quatre blessés.

4.Le cas inquiétant d’un jeune détenu décédé

La Campagne SOS-Torture Burundi a eu connaissance du cas d’un jeune détenu de la prison de Muyinga qui est décédé à l’hôpital de Muyinga (nord du pays) en date du 25 juillet 2016. Il s’agit d’Elias Nishemezwe, un mineur de 17 ans arrêté un mois plus tôt à Muyinga à son retour de la Tanzanie. Des proches rapportent que le jeune homme est tombé malade et a demandé à l’autorité de la prison de Muyinga l’autorisation d’aller se faire soigner, autorisation qui lui a été refusé à plusieurs reprises.

Voyant son état de santé s’aggraver de manière inquiétante, d’autres détenus se sont soulevés pour exiger son transfert dans un centre médical. Le jeune Elias Nishemezwe a toutefois succombé dès son arrivée à l’hôpital de Muyinga alors qu’il avait commencé à vomir du sang. Ce cas de décès dû à la négligence constitue un acte criminel de la part des autorités de la prison de Muyinga, où d’autres cas similaires sont survenus.

C’est aussi le cas dans la prison de Bujumbura appelée Mpimba où un détenu du nom de Bienvenu Busuguru (37 ans) est décédé le 12 mars 2014 pour n’avoir pas été autorisé à sortir de la prison pour recevoir des soins appropriés.

  1. Un officier de policier condamné pour torture gracié en violation de la loi et la convention contre la torture ratifié par le Burundi
  • Officier de Police et tortionnaire récidiviste, en 2007 Jean Bosco Cishahayo surnommé ‘Kabanda’ a été condamné par le tribunal de Grande Instance de Rutana à une peine de sept (7) ans de servitude pénale pour avoir violé un enfant mineur. L’officier a été libéré deux ans après avoir été blanchi par la cour d’appel de Gitega.
  • En juillet 2012, Cishahayo Jean Bosco a torturé à mort un citoyen de Ruyigi. Le parquet de Ruyigi a été saisi mais n’a jamais pris le dossier en mains. C’est ainsi que l’ONG ACAT-Burundi a fait une citation directe au Tribunal de Grande Instance de Ruyigi et en date du 27/02/2013 Jean Bosco Cishahayo a été reconnu coupable et condamné à cinq (5) ans de servitude pénale et à verser à la victime une somme de deux million de franc Burundais (2.000.000 BIF) en guise de dédommagement. Le parquet de Ruyigi qui a été caractérisé par une inertie totale a pour la seconde fois refusé de mettre en exécution le jugement qui venait d’être rendu par le Tribunal de Grande Instance Ruyigi. Dans le souci de le faire échapper au verdict, la Direction générale de la police a muté le tortionnaire à Bugendana en Province de Gitega.
  • Une année après le prononcé du jugement et le refus catégorique du parquet de Ruyigi de mettre en exécution le jugement, ce récidiviste tortionnaire a encore une fois torturé un enseignant de l’école primaire de Bugendana en province Gitega. Grâce à la pression des organisations ACAT et APRODH, le tortionnaire a finalement été arrêté le 06/05/2014 et a immédiatement interjeté appel ; mais la Cour d’Appel a aussi confirmé le jugement du Tribunal de Grande Instance de Ruyigi à travers son arrêt RPA 2066/GIT.
  • A notre grande surprise, et en violation flagrante des engagements pris lors de la ratification de la convention contre la torture mais aussi du protocole facultatif qui classe les infractions de tortures parmi les crimes imprescriptibles et inamnistiables, lors de la visite du Secrétaire Général des Nations Unies au Burundi, le Président de la République avait accepté qu’il allait libérer deux milles (2.000) prisonniers dont les jugements ont été définitifs jusqu’en date du 31/12/2015. Paradoxalement, la réalité a été autre car le décret numéro 100/41 du 23/2/2016 portant mesures de grâce, le tortionnaire Jean Bosco Cishahayo dit ‘Kabanda’ faisait partie des personnes qui ont bénéficié cette grâce du Président et est sorti de la prison le 23/3/2016.
  • Pour maquiller cette grâce qui est contraire à la convention contre la torture et au protocole facultatif, un autre arrêt de la Cour suprême RPC 3207 est tombé peu à après sa libération et a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel de Gitega et cela en violation flagrante de la procédure du pourvoi en cassation ; car les parties au procès n’ont jamais été informées qu’il y a eu pourvoi en cassation surtout qu’un délai de recours de deux mois avait été dépassé.

La Campagne SOS-Torture Burundi condamne cette violation de la loi et des instruments juridiques internationaux que le Burundi a ratifié et demande les éclaircissements par rapport aux conditions qui ont été mise en avant et qui ont fait qu’un tortionnaire soit sur la liste des personnes qui bénéficient d’une grâce présidentielle en violation flagrante des engagements pris par le Burundi mais aussi par le président de la République devant le Secrétaire Général des Nations Unies.