Violation De La Constitution Et De L’Accord D’Arusha Pour La Paix Et La Réconciliation Au Burundi.
- Le présent rapport est publié une année après le déclenchement de la crise de contestation de la candidature du Président Pierre Nkurunziza au troisième mandat à la présidence du pays, en violation de la Constitution et de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi.
- Le constat général durant cette période est que la situation des droits de l’homme s’est progressivement dégradée dans un contexte où les services de l’Etat chargés de la protection des populations éprouvent des difficultés à endiguer le phénomène préoccupant de criminalité et de violations graves des droits de l’homme dans le pays.
- Certes, les affrontements entre policiers et groupes armés dans certains quartiers de la Mairie de Bujumbura ayant caractérisé le début du 1er semestre 2016 ont cessé à la satisfaction des populations de la Mairie de Bujumbura. Mais la sécurité reste fortement compromise par de nombreux cas d’arrestations arbitraires, d’assassinats ciblés, de disparitions forcées, de torture et d’exécutions extrajudiciaires dont les auteurs restent « introuvables » et impunis.
- Les enquêtes et les poursuites judiciaires souvent promises par les autorités en charge de la Sécurité et de la Justice ne semblent pas avoir d’impact positif car les armes qui endeuillent régulièrement les familles circulent encore illégalement au sein des groupes armés non encore revendiqués et des miliciens imbonerakure du Cndd-Fdd, complices avec l’administration et la police.
- C’est ainsi que le nombre de victimes d’assassinats, du 12 mars au 30 juin 2016, s’élèvent à 90 personnes tuées dont 40 non identifiées. Au cours du trimestre précédent, 44 cas d’assassinats ciblés avaient été enregistrés d’où 134 assassinats ciblés durant le premier semestre de 2016.
- Ces assassinats, doublés de disparitions forcées, emportent non seulement des populations civiles, mais aussi des militaires et des policiers supposés être protecteurs de la population. Au niveau de la FDN, les victimes se comptent en majorité parmi les ex-FAB bien que les ex-PMPA soient également ciblés en nombre réduit par rapport aux ex-FAB.
- En conséquence, la tension monte au sein des membres de la Force de Défense Nationale (FDN) dont l’éclatement serait fatal pour la paix et la sécurité globale du pays. En effet, le phénomène est observé dans un contexte où le pouvoir CNDD-FDD veut imprimer un cachet ethnique à la crise, laissant craindre une main invisible des agents étatiques ou leurs complices derrière ces crimes, surtout après la tentative de putsch du 13 mai 2015.
- Concernant les arrestations arbitraires, 1 291 cas ont été enregistrés (dont 1 177 victimes non identifiés et 114 victimes identifiées) au cours de la période du 12 mars et 30 juin 2016. Pendant la période précédente du 09 décembre 2015 et le 11 mars 2016, SOS-TORTURE / BURUNDI avait répertorié 736 personnes victimes (dont 316 victimes identifiées et 420 non identifiées). Ainsi, SOS-TORTURE / BURUNDI dénombre au total 2 027 arrestations arbitraires pendant le 1er semestre de 2016.
- Bien souvent, les victimes sont arrêtées par la police sans mandat d’arrêt, des fois en complicité avec les miliciens Imbonerakure du CNDD-FDD et sont détenues dans des lieux inconnus par leurs proches. L’on assiste même au cours de certaines arrestations à un phénomène de prise d’otages où, faute de mettre la main sur la personne recherchée, l’on arrête son conjoint ou son enfant. Plusieurs cas de corruption ont été dénoncés où la police exigeait une rançon pour libérer les victimes arrêtées irrégulièrement.
- Au niveau de l’appartenance politique des victimes, celles du MSD (Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie) ou du FNL (Forces Nationales de Libération) indépendant sont les plus nombreuses. D’autres victimes sont dans la catégorie de ceux qui ont manifesté contre le troisième mandat du Président Pierre Nkurunziza ou dans celle de ceux qui sont soupçonnées de complicité avec les groupes armés. Parmi les victimes figurent aussi des élèves accusées de gribouillage de la photo du Président Nkurunziza dans les provinces de Rumonge, Karusi, Ruyigi, Mairie de Bujumbura, Muramvya vers la fin de l’année scolaire.
- Une des conséquences graves de ces arrestations arbitraires est la dégradation des conditions carcérales dans les cachots et les prisons où les capacités d’accueil sont très limitées par rapport au nombre élevé des prévenus ; cette situation est aggravée par la lenteur de l’avancement des dossiers judiciaires.
- En ce qui concerne la répartition géographique des arrestations arbitraires, on remarque que les régions les plus touchées sont la Mairie de Bujumbura et plus particulièrement dans la commune de Musaga au sud de la capitale, suivie de la province Bururi, en commune Mugamba particulièrement. La particularité de ces deux zones est qu’elles se sont distinguées dans les manifestations contre le troisième mandat du Président Nkurunziza. C’est aussi dans ces localités que des responsables administratifs membres du CNDD-FDD notamment et des policiers ont été la cible d’assassinats par les groupes armés.
- Concernant les actes de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les cas enregistrés par SOS-TORTURE sont en deçà de la réalité car l’accès aux lieux de détention et de torture comme le SNR et d’autres cachots de la police reste toujours interdit pour les défenseurs des droits de l’homme. Les cas de torture les plus visibles ont lieu lors des arrestations arbitraires où les victimes sont battues violemment et ligotées par des agents de la police et de l’armée.
- Ainsi, du 12 mars au 29 juin 2016, SOS-TORTURE/BURUNDI a identifié 1 063 cas de torture en tenant compte des arrestations massives où les victimes ont été soumises à des traitement cruels, inhumains et dégradants en plus des cas de torture infligées aux victimes individuellement ou en groupes restreints lors des arrestations.
- En plus de mauvais traitements inhumains lors des arrestations, SOS-TORTURE/BURUNDI a pu observer, depuis le mois de mai, des arrestations massives dans les quartiers qui ont manifesté contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Des centaines de personnes ont été plusieurs fois chassées brutalement de leurs maisons, humiliées et gardées dehors sous un soleil de plomb sous le prétexte de procéder à la vérification de l’infiltration d’éventuels combattants au sein de la population. Après plusieurs heures d’attentes, une bonne partie des personnes était libérée, parfois après versement de pots de vins aux policiers. Quelques personnes ont été retenues sans que les leurs ne connaissent par après leur sort.
- Les autres formes de violations des droits de l’homme caractéristiques de la crise qui secoue le Burundi depuis une année sont les phénomènes de disparition forcée et d’exécutions extrajudiciaires.
- Au cours de la période du 12 mars au 29 Juin 2016, 10cas de disparitions ont été relevés par la campagne SOS-TORTURE/BURUNDI. Ces derniers s’ajoutent au 16 cas relevés dans le rapport précédent (4 cas de personnes non identifiées), faisant un total de 26 victimes au cours de 1er semestre de l’année 2016.
- Jusqu’à la publication du présent rapport, les personnes disparues, de décembre 2015 à mars 2016 n’ont pas encore été retrouvées et visiblement, les corps de police et de justice s’avèrent incapables de donner un éclairage sur l’ampleur de ce phénomène.
- Quant aux exécutions extrajudiciaires, la campagne SOS-TORTURE/BURUNDI a relevé 18 cas d’exécutions extrajudiciaires au cours de la période du 12 mars au 29 juin, portant le nombre de victimes à 214 personnes depuis décembre 2015 car entre le 11 décembre 2015 et le 11 mars 2016, SOS-TORTURE / BURUNDI avait répertorié 196 victimes (dont 167 non identifiées et 29 identifiées).
- En conclusion, le tableau de la situation des droits de l’homme au Burundi reste sombre, une année après le déclenchement du mouvement de contestation du troisième mandat du Président de Pierre Nkurunziza.
- Le nombre de victimes ne cesse de croître dans toutes les catégories de la population, y compris les responsables administratifs et les membres du parti au pouvoir CNDD-FDD, sans que les auteurs ne soient appréhendés et sanctionnés par les services habilités.
- Les corps de police et de justice parviennent difficilement à juguler le phénomène préoccupant d’assassinats ciblés, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires dans lesquels des agents étatiques sont impliqués comme auteurs ou complices.
- On assiste en outre à l’implication des milices imbonerakure dans les services de maintien de l’ordre et de la sécurité, un phénomène qui menace la stabilité des Forces de Défense Nationale (FDN) et la paix dans le pays d’autant plus que certains militaires et policiers font impunément l’objet d’assassinats ciblés ou de disparitions forcées.
- Les fréquentes arrestations arbitraires, dans les quartiers de la mairie de Bujumbura et en province de Bururi spécialement, illustrent un climat de tension permanente entre les forces de l’ordre et la population des localités concernées.
- Ce climat d’insécurité et de violation continuelle des droits de l’homme concourt davantage à l’isolement du Burundi dans le concert des Nations avec toutes les conséquences déjà dévastatrices sur le plan socio-économique et politique.
- Un tel contexte interpelle en premier lieu le Chef de l’Etat et ses proches collaborateurs du Gouvernement sur leurs responsabilités et l’obligation qu’ils ont de protéger la population dans le respect des engagements nationaux, régionaux et internationaux qui lient le Burundi en matière protection des droits de l’homme et de promotion des principes de bonne gouvernance.
- L’obligation de contribuer au retour à la paix revient également à l’ensemble de la classe politique, le Gouvernement et l’Opposition politique, qui doivent privilégier le dialogue franc et inclusif dans l’intérêt de tout le peuple burundais.
- Pour toutes ces raisons, la campagne SOS-TORTURE / BURUNDI recommande :
Au Gouvernement du Burundi :
- D’’user des moyens légaux à sa disposition pour mettre fin sans tarder à la violence et aux violations des droits de l’homme en assurant effectivement la sécurité de la population et la protection de ses droits conformément aux textes nationaux, régionaux et internationaux de protection des droits de l’homme qu’il a ratifiés ;
- De redorer son image en menant des enquêtes crédibles sur les nombreux cas de torture, de disparitions forcées et d’assassinats ciblés et d’en communiquer les résultats à l’opinion publique nationale et internationale ;
- De mettre fin au recours à des forces supplétives constituées des miliciens imbonerakure dans les services de maintien de l’ordre et de la sécurité et de procéder systématiquement à leur désarmement ;
- De participer activement au dialogue inclusif avec toutes les parties au conflit en évoquant toutes les questions constitutives de la crise notamment le respect de la constitution et de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi sous la Facilitation de M. W.B Mkapa, Ex-Président de la République Unies de Tanzanie.
A l’Opposition politique :
- De participer au dialogue inclusif en privilégiant l’intérêt général ;
- De prêcher par le bon exemple en défendant les valeurs de paix et de démocratie à l’intérieur de leurs formations politiques afin de mieux contribuer au retour à la sécurité et à l’édification du pays.
Aux groupes armés :
- De renoncer à la violence comme mode de revendication politique ;
- De respecter les normes du droit humanitaire international en se gardant de porter atteinte à la vie ou à l’intégrité physique des aux civils qui ne participent pas au conflit.
A la Communauté internationale :
- De continuer ses pressions sur le Gouvernement burundais pour qu’il respecte ses engagements en matière de protection et de promotion des droits de l’homme au Burundi ;
- D’user de son influence pour amener toutes les parties au conflit burundais à privilégier le dialogue inclusif plutôt que de la confrontation et de l’exclusion mutuelle.
Arrestations Arbitraires, Enlèvements Et Disparitions Forcées Se Poursuiven
Dans ce rapport de SOS-Torture du 6 au 13 août 2016, nous évoquons les arrestations arbitraires qui ont continué dans certaines localités sous la forme de rafles menées par la police de manière quasi quotidienne dans certains quartiers ciblés de la ville de Bujumbura. Ces quartiers, particulièrement Musaga, sont considérés par le pouvoir de contestataires du 3ème mandat du Président de la république.
Le rapport évoque aussi la découverte macabre de trois corps dans des rivières.Nous avions précédemment rapporté l’existence d’un corps flottant sur la rivière Mubarazi. Dans ce rapport-ci, il s’agit d’un deuxième corps décapité découvert non loin du premier ainsi que d’une troisième victime retrouvée dans la rivière Ruvyironza à Gitega. Aucune des trois victimes n’a encore été identifiée.
Le journaliste Jean Bigirimana du groupe de presse Iwacu est toujours porté disparu plus de trois semaines après son enlèvement par des individus identifiés comme des agents du service national des renseignements.
Après l’attaque contre un journaliste Burundais en exil en Ouganda, ce rapport évoque cette fois l’attaque à la machette contre un défenseur des droits de l’homme également exilé en Ouganda. Il est blessé mais vivant, mais cette attaque remet en cause la sécurité des défenseurs en exil.
Les conditions carcérales et spécialement le non-respect des droits des détenus comme l’accès aux soins de santé est devenu problématique chez les autorités pénitentiaires ces derniers temps. Le rapport fait état d’un autre détenu décédé dans une prison de Bujumbura, pour n’avoir pas reçu l’autorisation de recevoir des soins appropriés et devient le troisième détenu qui meurt en moins de deux mois par négligence.
Le rapport revient sur la libération de quatre autres élèves de Cankuzo détenus plusieurs semaines pour gribouillage de la photo du Président Burundais dans les manuels scolaires.
Le rapport sera clôturé par un commentaire sur les observations finales du comité contre la tortue rendues publique ce vendredi 12/08/2016.
- Arrestations arbitraires, enlèvements et disparitions forcées se poursuivent
- La police a mené des rafles simultanées dans les quartiers de Musaga, Cibitoke et Nyakabiga (ville de Bujumbura) le 6 août 2016. Plusieurs dizaines de personnes ont été à nouveau rassemblées pour des contrôles d’identité. La police fait usage de telles rafles massives surtout dans les quartiers dits contestataires du 3ème mandat du Président Burundais Pierre Nkurunziza, en invoquant officiellement être à la recherche d’armes et de combattants dissimulés. Les personnes appréhendées ont été retenues durant des heures avant d’être relâchées. Il s’agit d’une forme de harcèlement et de persécution permanente qui cible certains quartiers uniquement. La zone Musaga est particulièrement visée par ces rafles que les ménages subissent en moyenne deux fois par semaine.
Claudine Umutesi, arrêtée par le SNR depuis le 5 août
- Une jeune mère nommée Claudine Umutesi a été arrêtée en date du 5 août 2016 par des agents du service national des renseignements. L’opération a été menée à Mutakura (nord de Bujumbura) à son domicile avant qu’elle ne soit acheminée dans les cachots du SNR. Des proches s’inquiètent pour sa sécurité d’autant plus que la jeune femme est d’origine Rwandaise. Les autorités politiques Burundaises sont très violentes envers le Rwanda voisin, ce qui fait craindre des représailles sur les ressortissants de ce pays voisin.
Egide Bazikamwe, arrêté puis exfiltré du cachot par le Commissaire de Karuzi
- Un homme du nom d’Egide Bazikamwe a été arrêté par la police au chef-lieu de la province Karuzi (Est du pays) en date du 5 août 2016. Cet homme est un déplacé habitant le site de Kigoma en commune Buhiga. Des témoins rapportent qu’il est victime d’avoir participé aux manifestations pacifiques contre le 3ème mandat du Président Burundais Nkurunziza en avril et mai 2015 en zone Musaga (sud de Bujumbura). Il a été détenu au cachot de police de Karuzi. En date du 11 août 2016, Egide Bazikamwe a été exfiltré de sa cellule par le Commissaire de police de la province Karuzi, l’officier OPP1 Ladislas Ndayiragije, qui l’a emmené vers une destination inconnue.
- Trois jeunes hommes ont été arrêtés dans la zone Murago, commune Burambi, province Rumonge (sud du pays) en date du 7 août 2016. L’opération a été menée par des Imbonerakure et des policiers, alors que les membres du parti au pouvoir ne sont pas habilités à mener des arrestations. Les jeunes hommes arrêtés sont Donatien Hatangimana, Léopold Ndayongeje et Bigirimana. Des témoins indiquent qu’ils ont été arrêtés dans un ménage alors qu’ils participaient à une fête, sans motif et sans mandat. Leur lieu de détention n’est pas connu et les familles s’inquiètent pour leur sécurité car ils n’ont aucune nouvelle de ces jeunes depuis leur arrestation.
- A nouveau, la police a mené des rafles dans des quartiers ciblés de la ville de Bujumbura en date du 8 août 2016. Les habitants des zones Mutakura et Musaga étaient visés par ces rafles, de même que le centre-ville de la capitale. Plus de deux cent personnes ont été ainsi appréhendées par la police. Certaines des victimes de ces rafles s’inquiètent des propos menaçant des policiers lors de ces opérations répétitives, qui ont juré que les habitants de Musaga particulièrement ne seront jamais tranquilles. Les agents de l’ordre ne cachent ainsi plus le harcèlement qu’ils imposent à ces habitants, en précisant vouloir se venger des manifestations contre le 3ème mandat d’avril et mai 2015.
- La Brigade anti-émeute a procédé des rafles dans le centre-ville de Bujumbura le 12 août 2016. Plusieurs dizaines de jeunes gens ont été rassemblés, des passants et des vendeurs ambulants sans distinction. Les personnes interpellées par les policiers étaient fouillés avant d’être mis en colonne pour se diriger vers l’espace de vente de la Brarudi situé tout près du parking des bus. Des témoins indiquent que les policiers de la BAE ont exigé aux jeunes hommes de s’agenouiller au sol et aux jeunes filles de s’asseoir à même le sol sous un soleil de plomb. Il s’agit là d’un traitement dégradant qui n’a rien à voir avec le travail de contrôle de la police. Une partie des personnes arrêtées ont été par la suite embarquées vers des cachots.
- Niyonkuru, torturé par des Imbonerakure à Shombo
- Assassinats, exécutions sommaires et attaques armées répertoriés
– Des Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir CNDD-FDD, continuent à commettre des exactions en toute impunité. Dans la soirée du 6 août 2016, ils ont arrêté et torturé un militaire démobilisé dans la commune Shombo, province Muramvya (centre du pays). La victime se nomme Emmanuel Niyonkuru et a été évacuée agonisant à l’hôpital de Muramvya ; il est aussi un militant du parti d’opposition MSD. Ce n’est pas la première fois que des jeunes Imbonerakure sont cités dans des actes de torture ou arrestations illégales. Ils ne sont jamais inquiétés par la police ou le parquet et jouissent d’une impunité totale. Dans plusieurs localités, ils se substituent aux forces de l’ordre en menant des rondes nocturnes avec des armes au vu et au su des autorités locales.
– Un défenseur des droits de l’homme de l’association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH) a été attaqué dans la soirée du 8 août 2016 à Kampala en Ouganda où il vit en exil au camp de Nakivale. La victime est M. Léon Ntakiyiruta, observateur de l’APRODH dans la province Makamba (sud du Burundi) et responsable de la cellule Justice et Droits de l’homme du Forum pour la Conscience et le Développement (FOCODE), attaqué à la machette par deux individus a quelques mètres même du camp de réfugiés. Des collègues de la victime indiquent que des jeunes Imbonerakure affiliés au parti au pouvoir CNDD-FDD ont infiltré depuis quelques mois les camps de réfugiés burundais pour identifier et s’en prendre aux personnes opposées au 3ème mandat du Président Burundais. M. Ntakiyiruta serait victime d’avoir justement mené des enquêtes sur la présence de ces jeunes dans les camps de réfugiés. Il a été blessé aux bras et à la tête et évacué pour des soins à l’hôpital.
- Niyonkuru, torturé par des Imbonerakure à Shombo
– Après la découverte d’un corps en décomposition avancée dans la rivière Mubarazi sur la colline Nyabisiga, zone Bugarama, commune Muramvya (centre du pays) en date du 5 août 2016, un second corps a été découvert dans la même rivière en date du 9 août 2016, dans la localité de Bihogo sur la colline Nyabisiga. Cette découverte a été faite alors que des agents de la police de protection civile s’étaient rendus à l’endroit où a été découvert le précédent corps en décomposition, avec pour objectif de le repêcher et tenter de l’identifier (cfr rapport SOS-Torture N°34). Après l’opération, le constat est que la seconde victime a été décapitée, rendant très difficile pour le moment son identification. Les deux corps avaient été lestés de grosses pierres avant d’être jetés dans la rivière par leurs assassins.
Ces découvertes sont très inquiétantes et laissent présager des exécutions sommaires dont les victimes pourraient être plus nombreuses.
Le premier corps découvert dans la rivière Mubarazi
La police de protection civile après l’opération de repêchage des deux corps de la Mubarazi
Le journaliste Jean Bigirimana, disparu depuis le 22 juillet 2016
Le secteur de la découverte macabre est également celui où a été vu pour la dernière fois le journaliste Jean Bigirimana du Groupe de presse Iwacu, arrêté par des agents du service national des renseignements à Bugarama le 22 juillet 2016 et emmené à Muramvya (centre du pays) selon plusieurs témoins. Jusque-là, le SNR et la police nient avoir arrêté M.Bigirimana. Plus de trois semaines après sa disparition forcée, les collègues du journaliste et sa famille craignent qu’il n’ait été exécuté. La découverte de ces corps dans la rivière Mubarazi accentue cette crainte. La police a annoncé vendredi 12 août 2016 qu’aucune des deux victimes repêchées n’est Jean Bigirimana.
Le corps en décomposition repêché dans la rivière Ruvyironza
– Le corps en décomposition d’un autre homme a été découvert en date du 9 août 2016 dans la rivière Ruvyironza, commune Giheta, province Gitega (centre du pays) entre les collines Gihehe et Korane. Des témoins rapportent que la victime a été assassinée les bras ligotés dans le dos, mais l’identification n’a pas été menée par la police. Cet homme a été enterré par les autorités locales. Cela porte à trois le nombre de victimes assassinées et jetées dans des rivières en l’espace d’une semaine.
– Un homme a été abattu par balles dans la commune Rugombo, province Cibitoke (ouest du pays) le 11 août 2016. La victime est un transporteur à moto nommé Léonce Ngendakumana.
3.Un détenu décède dans une prison à Bujumbura
Un détenu nommé Zuberi Benga est décédé dans les enceintes même de la prison centrale de Bujumbura appelée Mpimba en date du 7 août 2016. Cet homme avait été arrêté injustement en commune Rumonge le 29 juillet 2016 avec neuf autres personnes à la place de son frère, un ancien député nommé Saleh Cimanimpaye, recherché par la police (cfr rapport SOS-Torture N°33). Des témoins indiquent qu’il était souffrant et avait demandé l’autorisation de sortir pour recevoir des soins, autorisation qui lui a été refusée par la direction de la prison.
Depuis quelques semaines, des détenus décèdent dans des circonstances similaires suite au refus catégorique des autorités de la prison de les laisser aller se faire soigner à l’extérieur de la prison pour recevoir des soins appropriés (cfr rapports SOS-Torture N°33 et 34).
- Zuberi Benga, mort en prison faute de soins
Outre le fait que ces négligences des autorités pénitentiaires ne peuvent être justifiées, il faut noter que la surpopulation carcérale au Burundi, accentuée en particulier depuis le début de la crise ne fait qu’empirer les conditions déjà précaire dans lesquelles les détenus se trouvaient . A la fin du mois de juin 2016, la population carcérale était de 8.831 détenus dont plus de la moitié (5.091) en détention préventive (cfr rapport SOS-Torture Burundi N°29).
- Des élèves détenus pour gribouillage relâchés
Quatre élèves du lycée de Cankuzo (Est du pays) qui avaient été arrêtés pour gribouillage de la photo du Président Burundais dans les manuels scolaires ont été relâchés en date du 10 août 2016 de la prison de Ruyigi. Il s’agit d’une liberté provisoire accordée à ces jeunes élèves, qui n’ont toutefois pas pu terminer leur année scolaire comme leurs camarades.
Les élèves arrêtés depuis début juin pour cette affaire de gribouillages ont été relâchés, seuls deux élèves restent en détention à Muramvya: Parfait Iradukunda et Alexis Mugerowimana, accusés par le Parquet de participation à un mouvement insurrectionnel lié à l’organisation de manifestation lors de l’arrestation pour gribouillage de 5 élèves du Lycée de Muramvya.
La Campagne SOS-Torture Burundi plaide pour leur libération.
- Observations finales du Comité contre la torture concernant le rapport spécial du Burundi ce vendredi le 12/08/2016
Apres l’examen exceptionnel du Burundi les 28 et 29 juillet 2016, le Comité Contre la Torture vient de sortir ses observations finales ce vendredi 12/08/2016, des observations qui tombent après que le gouvernement du Burundi avait refusé de participer à la deuxième séance de dialogue et s’est ainsi privé de l’opportunité d’apporter ses réponses directement auprès des membres du comité, ce qui n’a pas empêché le comité, malgré ce défaut de coopération à maintenir la procédure et sortir ses observations finales.
Dans ces observations finales, le Comité contre la Torture dénonce les disparitions forcées d’opposants politiques, citant le chiffre de 36 cas entre avril 2015 et avril 2016, les violences sexuelles par les forces de sécurité et des jeunes Imbonerakure (miliciens), ainsi qu’une rhétorique génocidaire visant la minorité tutsi.
Le Comité enjoint instamment l’Etat partie (Burundi) à protéger les membres de la société civile qui ont coopéré avec le Comité contre la torture.
Ici le Comité contre la Torture est revenu sur sa vive préoccupation sur les graves allégations reçues concernant les mesures de représailles à l’encontre des membres de la société civile burundaises qui ont contribué et collaborer avec le Comité lors de la 58 ème session dans le cadre de l’Examen spécial du Burundi.
Le comité attend les commentaires des avocats Armel Niyongere, Lambert Nigarura, Dieudonné Bashirahishize et Vital Nshimirimana victimes de ces représailles pour se déterminer sur ces allégations et cela sur base des éléments des parties en question et de tout élément d’information permettant de clarifier ce cas y compris de la part des institutions de l’ONU qui ont été copié des différentes correspondances y relatives.
Le Comité demande au Burundi de lui soumettre d’ici au 12 Octobre 2016 un rapport spécial de suivi sur toutes les mesures prises pour mettre en œuvre l’ensemble des recommandations figurant dans le rapport.